INTERVENTION A L'AVANT PREMIERE "Espoir d'un Monde Meilleur"
18h, George Edouard était arrivé dans sa circonscription, et avait décidé dans le cadre d’une avant-première d’effectuer une petite sortie médiatique. Officieusement, la presse avait été conviée ; ce qui sur le papier n’était qu’une intervention d’une personnalité dans le cadre d’une avant-première, était devenu une action de campagne à part entière. Bien évidemment, l’équipe du long métrage était en accord avec cette décision : eux-mêmes, fervents écosocialistes, soutenaient le candidat George Edouard durant cette campagne.
Alors, saluant le public et profitant de la moindre occasion pour aller à la rencontre de ses concitoyens, George Edouard finit par aller s’asseoir juste avant le début de la diffusion. Le choix de réaliser le discours de clôture était volontaire : en plus de marquer les esprits, cette programmation laissait la possibilité aux spectateurs pressants de s’adresser à lui après l’intervention, transformant ainsi cette séquence informelle et culturelle en un quasi-meeting.
Et puis, le film n’avait pas été choisi au hasard : se nommant Espoir d’un Monde meilleur, il avait été primé aux dernières cérémonies internationales, et avait suscité la polémique par son engagement marqué à gauche. L’histoire paraissait assez simple : pourtant, les dynamiques sociales et le développement des personnages faisaient les forces d’un film touchant et marquant.
Cette histoire, c’était celle d’un groupe d’amis, que nous suivons de leur plus tendre enfance à leurs chutes respectives. Evidemment, chaque membre de ce groupe avait une spécificité : ici, les 4 enfants étaient chacun les allégories des différentes catégories sociales. Alors, nous avions le précariat, la classe moyenne basse, la classe moyenne haute et les ultrariches. Quatre amis, tout d’abord emplis de leur insouciance d’enfant et totalement unis, qui progressivement divergent de parcours et subissent tour à tour le broyeur social du capitalisme.
Le film n’épargne personne, et pourtant évite l’écueil de la caricature, d’une satire trop poussée et donc irréelle.
Mike, le plus riche d’eux quatre, subit dès le plus jeune âge les pressions de sa famille conservatrice, d’injonctions sociétales lui qui a baigné dans la haute société. Pourtant, son amour pour ses amis n’en était pas moins réel ; mais grandissant et dans un milieu où l’honneur est sacré, Mike a dû mettre cet amour de côté. Etudiant sage, studieux mais fade, Mike eut un beau parcours scolaire : devenu finalement cadre, la cupidité nait alors en lui, et nous voyons comment les pressions de toute part le poussent à harceler ses collègues, à tomber dans des réflexions pécuniaires et à progressivement faire disparaitre la profonde empathie qui était en lui. Comme tous, sa mort est à son image : pathétique. C’est donc en déposant un chèque à la banque que celle-ci se fait braquer, et que Mike prend une balle perdue.
La vie et la mort des deux personnages de la classe moyenne restent semblables : comportant quelques troubles et accrocs, mais néanmoins assez stables, soudés jusqu’à leur mort et relativement heureux.
Et puis, nous avons Max, fille d’ouvrier et confrontée très tôt aux galères de la vie. Obligée elle aussi d’abandonner ses études pour subvenir aux besoins de sa famille, elle coupe vite les ponts avec Mike ; celui-ci, honteux de connaitre une fille comme elle – tout en ayant été profondément amoureux -, l’humilie en public et la ramène à sa condition de « misérable fille de pauvres ». Paradoxalement, c’est Max qui se révèle la plus altruiste, empathique, indulgente ; pour autant, cette dernière n’a pas ni le moyen ni le temps d’accorder une aide dont elle-même ne dispose. Abandonnée par tous, méprisée et seule, sa vie finit brusquement à cause d’une grave maladie, causée par les carences alimentaires. La véritable héroïne de l’histoire cependant, ce n’est pas Mike ni nos deux amis : c’est elle. C’est elle qui a connu une situation insoutenable tout en se dotant de qualités humaines hors pair, c’est elle qui a souffert en gardant le moral, c’est elle qui malgré l’asservissement subi, n’a jamais humilié personne.
La morale de ce film : l’argent rend cupide et finalement inhumain, la misère nous prive des plus belles personnes de cette société !
Alors, après la fin de la diffusion du film, les larmes pouvaient se voir sur le sol, les spectateurs étaient troublés par ce qu’ils venaient de visionner. George Edouard le savait, c’était là le terrain le plus propice à la diffusion de ses idées ; bouleversés dans leurs tripes par l’injustice sociale personnifiée, il s’agissait désormais d’ancrer cette fiction dans notre réalité pour mieux l’améliorer et les faire adhérer. Alors, après les nombreux remerciements et la traditionnelle séance de post-visionnage, les réalisateurs annoncèrent la présence de George Edouard, sous une foule d’applaudissements pour celui qui devenait clairement le leader de la gauche : devant une foule encore bouleversée, le candidat écosocialiste pouvait se permettre un ton plus libre, des propos plus légers mais néanmoins toujours politiques.
Certes, nous sommes aujourd’hui devant un film. Mais vous connaissez la chanson ? « Mes amis, mes camarades, mes concitoyens ! »
Merci de m’accueillir aujourd’hui parmi vous, et je remercie en premier lieu l’équipe du film pour me permettre de m’exprimer devant vous. Comme vous, vous excuserez mon ton un peu blanchi : je suis encore bouleversé par ce magnifique film, qui résume à la perfection la décadence d’un modèle social plus inégalitaire que jamais !
Cette histoire, c’est avant tout un récit de l’argent qui corrompt les âmes, qui transforme la bonté en cupidité. Jusqu’à un certain point, la richesse semble aider à mieux vivre ; au-dessus d’un seuil, cela nous transforme juste en vache à lait. Ce seuil, les financiers, les ultrariches l’ont déjà atteint : ceux qui nous gouvernent appartiennent à cette catégorie !
Mais cette œuvre, plus qu’un film sur la chute inexorable de nos qualités humaines, est aussi une ode à l’espoir, un appel au changement. Les histoires de Max et de nos deux amis le prouvent, il est possible de perdurer dans le social ; par ailleurs, il est nécessaire de doter à tous les capacités d’offrir ces qualités. Max est une personne fantastique, merveilleuse ; la misère dans laquelle elle se trouve empêche la communauté tout entière de profiter de ce trésor. Ainsi, voilà comment nous pouvons retrouver une société unie autour de valeurs sociales et prospères : mettre fin à la richesse outrancière, mettre fin à la misère, et encourager la recherche du profit collectif !
Puisque le film insiste sur un personnage, parlons de Mike. Ahh, cette allégorie de tout ce qui ne va pas dans notre système capitaliste, cette allégorie de la chute mais également l’allégorie de la perversion. Oui, tout est fait pour pousser Mike à devenir ce chef d’entreprise infect et cupide ; broyé par sa famille, son milieu bourgeois et ses supérieurs hiérarchiques, tout encourage Mike à écraser les personnes qu’il voit en dessous de lui. Et puis, Mike ne s’amuse pas : afin de combler ce vide affectif et social, il se plonge dans la quête de l’argent, le rêve d’un accomplissement social par le profit.
Finalement Mike est un homme, un homme malheureux qui se cache à lui-même tout son désespoir.
Pourtant, c’est ce désespoir qui nous gouverne ; les possédants ont perdu le sens de la vie, ce qui en fait à la fois son cœur mais aussi son esprit : les amis, la famille, le collectif. Pourquoi nous-sommes mis en société si c’est pour mépriser nos concitoyens ??
Et puis, le long-métrage interroge aussi une autre vision du monde : la méritocratie est balayée, les plus pauvres se battent avec humanité quand les riches écrasent sans jamais avoir dû batailler. Oui, vous avez bien entendu : les plus précaires sont les plus méritants et bons !
Evidemment, ceux qui n’étaient pas partis étaient acquis à la cause de George Edouard, d’autant plus vu l’engagement politique du film. Personne ne venait par hasard dans une avant-première ; l’ambiance était donc très chaleureuse, et les applaudissements fusaient lorsque le candidat à la Primature terminait ses phrases. Et puis, personne n’avait manqué un subtil mais célèbre caméo : Eropa Pendra jouait dans le film ! Fidèle à lui-même, celui-ci fut un guide pour Max, et un sentiment immédiat de confiance et de chaleur humaine se dégageait du personnage. Heureux de voir une telle ferveur, George Edouard reprit alors son discours.
Ce film est une fiction, pourtant si réaliste… les dynamiques décrites sont bien réelles, et doivent être changées !
Tout le film ne détaille comment personne n’est prédestiné à devenir mauvais, et en quoi le déterminisme social, lui, provoque cette chute. Ces déterminismes sont intimement liés à la reproduction sociale causée par notre fonctionnement capitaliste immonde : il faut réformer cela en profondeur ! Aussi, vous n’êtes pas sans savoir que je suis candidat pour les prochaines élections législatives, ici dans la 11e circonscription de Lunont. Lorsque je dis qu’il faut changer ce système, ce n'est pas un propos dans le vent : nous avons un programme commun pour ce faire !
Ce programme est structuré autour de valeurs clés, provoquant un ensemble cohérent de retour à un Etat-Providence et Social. Tout d’abord, nous nous attardons sur les questions de société : il faut que les étrangers, les réfugiés et les minorités cessent d’être sans cesse stigmatisés. Le retour à l’unité sociale, c’est l’unité républicaine pour tous et toutes ! Ensuite, nous comptons changer les structures économiques, les priorités d’une croissance folle et qui finit accaparée par les plus riches.
Nous ne sommes pas à gauche opposées à la richesse ; en revanche, nous voulons que tous puissent en profiter !! Cela passera par de nombreuses réformes du Code du Travail, des protections sociales et de nos prestations. Evidemment, ces revenus impliqueront de nouvelles cotisations ; nous nous servirons de ces modifications de taxations pour continuer notre marche vers l’égalité en faisant peser ces augmentations par ceux qui peuvent les soutenir.
Ensuite, nous avons construit un projet éducatif solide : il faut mettre fin à cette hypocrisie d’une école qui favoriserait la mobilité sociale, alors que nous ne faisons que reproduire encore et toujours les mêmes schémas d’exclusion. Il faut changer tout cela ! Sur la Sécurité, il est idiot de ne jamais s’être occupé de cette question alors que la gauche, elle, est la plus à même de concrètement lutter contre les causes. Lorsque nous faisons face à une maladie, il faut l’éradiquer à la racine, pas se contenter de médicaments contre les symptômes !
La délinquance est en partie provoquée par la pauvreté, l’impossibilité pour certains de faire autrement et la reproduction sociale. En rétablissant les polices de proximité et de dialogue, en rétablissant l’unité entre forces de l’ordre et population et en mettant fin à la misère, l’insécurité réduira significativement ! Pour garantir la protection de la population, la paranoïa est inutile tandis que l’unité elle, est essentielle. Néanmoins et sur un point précis, cela ne peut évidemment pas suffire. Cette question, ce sont les violences sexistes et sexuelles !
Oui, les petits bourgeois et dominants sont les premiers bourreaux pour les femmes, ceux qui comme dans le film sont frustrés par un système qui les favorise mais les déshumanise. Sur cette question, il faut être sans tolérance : criminalisation, pénalisation du harcèlement de rue, une Brigade entière contre les VSS, des formations annuelles obligatoires pour l’ensemble de la population et un budget conséquent pour l’égalité femmes-hommes !
Enfin, se pose le sujet de l’environnement. Ce sujet qui a toujours été un point clé de nos divers programmes, a longtemps été raillé par les libéraux, par la droite et par l’extrême droite. Nous étions des idéalistes, des fous qui croyaient notre planète être menacée ! Nous nous fondions néanmoins sur des éminents scientifiques, unanimes sur les ravages que risquent de provoquer le dérèglement climatique. L’extinction d’espèces, la chute de la biodiversité et à terme, notre propre disparition ! Ce discours est le socle des écosocialistes, et c’est même pour cela que nous n’avons pas créé un unique Parti Socialiste.
Et aujourd’hui, un papier annonce les premières conséquences de cette inaction, avec une atteinte déjà là sur les rivières et l’eau dans la région de Choignaux. Les ravages ne seront pas dans cinquante ans, ils se font déjà sentir !
Comme je l’ai dit à Nour et le redirais demain dans ma présentation du deuxième volet environnemental de mon programme, nous avons un plan solide pour protéger durablement notre planète, notre si belle nation et notre écosystème. Vous aimez les animaux, aimeriez-vous les voir disparaitre ? Moi, cela m’insurge, et je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour enrayer les dynamiques meurtrières des climatosceptiques. Battons-nous, ensemble !!
A ces mots, le public se lève, acclame les propos de George Edouard et agite des drapeaux de l’Union des Gauches, distribués pour l’occasion. Finalement, cette avant-première était devenue un meeting ; meeting dans sa circonscription, circonscription qui tenait une place particulière dans son cœur. Et puis, Lunont était un endroit particulier ! La culture s’y développait et y prospérait, ce n’est pas pour rien si la capitale est considérée comme le poumon de la République d’Ostaria.
Mais ces dernières années, à cause des diverses coupes budgétaires induites par la droite, les cinémas se faisaient plus rares, les films avec moins de budget et les artistes moins défendus. Avec l’Union des Gauches, les budgets allaient augmenter ! Conscient de l’importance de conclure son intervention avec un rythme soutenu et avant que le public se lasse de l’entendre, le candidat à la Primature décida qu’il était temps de passer au traditionnel appel à l’action. Il reprit donc.
Bien, je suis ravi d’observer votre engouement pour notre programme – qui cela va s’en dire, a longuement été étudié -. Maintenant, il sera impossible d’appliquer ce programme sans soutien actif de votre part, et sans être élu !!
Ici, je suis votre candidat. Eh oui, vous avez la possibilité d’être représentés par le potentiel Premier Ministre !! Alors, il faut que tous, partout, vous alliez défendre notre programme, nos idées. Mes équipes se trouvent ici, et ils sont prêts à vous inscrire pour nous aider : du porte à porte, des appels et des tracts à diffuser le plus largement possible. Je suis bien conscient des investissements que demande une campagne, je suis moi-même en train de parcourir le pays pour le sensibiliser à nos causes ; nous avons une chance historique d’arriver au pouvoir, alors concrétisons ce moment !!
Merci à tous,
Vive la gauche unie, et vive la République d’OStaria.
Le discours s’achevant sous des applaudissements nourris et des acclamations, la cérémonie fut achevée à la suite de l’intervention. Ainsi, George Edouard eut le temps de longuement discuter avec ceux encore présents, en distribuant des tracts, inscrivant ceux qui le désiraient dans l’équipe de campagne et s’assurant que les points abordés dans le discours étaient clairs. Et puis, ce fut un régal de pouvoir parler informellement d’écologie, de progrès social et de justice sociale ! Ces derniers temps, le candidat perdait progressivement espoir dans le changement, et se rendait finalement compte que la seule chose que la population attendait, c’était l’Union et un leader prêt à incarner ces idées.