INTERVIEW
ML : Bonjour Mesdames et Messieurs les téléspectateurs, nous accueillons aujourd'hui Léonard Libre. Monsieur Libre, pour commencer, répondez à la question qui est sur la lèvre de tous nos spectateurs : qui êtes-vous ?
LL : Bonsoir à tous et à vous Monsieur le journaliste. Comme vous l'avez dit, je suis Léonard Libre. Je vais, si vous me le permettez, me présenter par mon CV : je suis un ancien Haut-Fonctionnaire, spécialisé dans la politique publique industrielle et énergétique. J'ai notamment été commissaire du plan "Abondance", qui a renouvelé en grande pompe le nucléaire ostarien dans les années 130/140 et nous a, justement, assuré une réelle abondance énergétique. J'ai aussi été, il y a un moment, élu local dans ma commune de naissance Lanrac. Aujourd'hui, je suis auteur de nombreux ouvrages tels que "Ostaria et le souci bureaucratique" ou "La monnaie au service de nos industries" et professeur à l'Université de Lanrac. J'y dispense des cours en ingénierie nucléaire et en politique énergétique autour du nucléaire. Depuis récemment, et à la vue des événements dans notre pays, j'ai décidé de sortir d'un long silence et de prendre une parole assez remarquée sur les réseaux sociaux de notre pays.
ML : Pourquoi souhaitiez-vous intervenir dans notre vie publique qui ne manque pourtant pas d'acteurs intéressants à étudier ces temps-ci ?
LL : J'ai pris la décision d'intervenir dans le débat de notre pays après une très intense réflexion, je ne suis habituellement que peu attiré par les joutes verbales. Cette décision, je l'ai prononcé car nos institutions semblent actuellement être à bout de souffle. Les ostariens ont élu, et c'est historique, un Président et une majorité parlementaire de gauche. Un programme commun était signé, et la campagne a réellement, et j'assume de le dire, été en faveur de leur camp. Mais le Président Chastain a décidé d'outrepasser le programme commun récemment, avec son échec référendaire sur une fameuse "transition socialiste". La dignité politique qui marquait nos institutions aurait dû le pousser à revenir à la raison, à s'excuser devant la Nation et à reprendre un mandat "normal". Il ne l'a pas fait, et a répliqué d'une manière encore plus... agressive, je dirais. Monsieur Chastain s'est moqué de ses alliés, parfois à raison et parfois à tord, et a lancé en solo ses opérations référendaires et ses remaniements fantasques. Nos institutions ont été bafouées par ce choix, il faut clairement le souligné. Mais si tout cela a pu être possible, c'est bien à cause de l'inaction précédente de nos députés de la majorité, qui n'ont pas légiféré et qui ont drastiquement fragilisé notre République. Je veux intervenir car il nous faut engager, et ce dès maintenant, une désescalade radicale des tensions politiques dans notre pays. Le scénario idéal serait, selon moi, une dissolution de l'Assemblée Nationale dès ce soir ainsi qu'une démission du Président de la République juste après le scrutin législatif si ce dernier ne lui donne pas de majorité viable. Il y a urgence, chers ostariens, à protéger nos institutions, notre démocratie. Mais, d'après moi, il y a aussi une très forte urgence à réformer notre pays... C'est un fait indiscutable, même pour un vieil ours techniciste comme moi pourtant bien attaché à nos administrations !
ML : A qui vous adressez-vous ce souhait ? Au Premier Ministre Charles Endros ? A l'Opposition ? Au Président de la République ?
LL : Je l'adresse à tous les ostariens. Je ne sais pas, nous sommes en démocratie, nous avons des leviers ! Manifestez dans la rue, envoyez d'innombrables lettres et mails à vos députés, signez massivement des pétitions, faisons vivre notre démocratie ! J'ai pu récemment réunir une équipe, plus ou moins diverses, de développeurs et de stratégistes politistes. Nous lançons ensemble ce soir une plateforme de participation politique, qui s'appelle "Dès Maintenant!" et qui a pour objectif de rendre plus aisée ces interpellations de nos élites. C'est leur inaction qui a rongé notre démocratie, alors reprenons-leur ce qui nous appartient : le pouvoir. Sur cette plateforme, que vous retrouverez bien entendu facilement sur mon compte Chirper ou par une simple recherche internet, voire par courrier, vous trouverez plusieurs outils démocratiques : des modèles de lettres à envoyer à nos parlementaires, au Gouvernement et au Président ; une pétition pour la dissolution à signer massivement ; une plateforme de partage de propositions qui viennent directement des ostariens. Chaque proposition sera soumise, simplement, au suffrage populaire : celles qui trouvent le plus d'adhésion feront l'objet par moi et des collègues anciens Hauts-Fonctionnaires, anciens parlementaires, de la rédaction d'une véritable proposition de loi qui à son tour pourra être envoyée à nos élites politiques. C'est l'heure de redonner la parole aux ostariens, ostariennes. Si je peux servir de passerelle, je le fais, c'est aussi simple que cela. Je réponds directement aux accusations d'opportunisme qui vont tomber : j'ai déjà fait carrière. Je suis sorti major de la Haute-École d'Administration, j'ai réalisé une carrière dont beaucoup envieraient même pas un dixième aujourd'hui. Je suis quasiment à la retraite, et le pouvoir ne m'a jamais intéressé et ne m'intéresse pas. J'ai déjà de bons revenus, je ne fais pas cela pour l'argent non plus. Et la notoriété, si je la voulais, je me serais lancé bien avant !
ML : Qu'avez-vous penser des chirps des membres du gouvernement Endros ?
LL : J'ai beaucoup ri, mais ils sont sûrement la preuve de leur non-préparation. Je n'émets dessus aucun jugement politique, ce serait culotté de ma part…
ML : Que prédisez-vous quant à l'avenir du gouvernement Endros ?
LL : Ce n'est pas à Madame Irma que vous vous adressez, mais avec la récente défection d'une partie du PCO à l'Assemblée Nationale, je miserai sur la motion de censure. Mais je peux tout à fait me tromper, Messieurs Chastain et Endros nous surprendront peut-être encore une fois ?
ML : Appelez-vous à voter en faveur des référendums ?
LL : Je n'appelle à rien du tout, ce sont aux ostariens de décider. Je dénonce cependant l'usage abusif du référendum d'initiative exécutive dont le pouvoir fait actuellement preuve. Il dénature notre démocratie, et en voulant placer soi-disant les idées (celles de Chastain) avant les gens (ses opposants à l'Assemblée Nationale), cet acte prend le risque d'annihiler le débat démocratique au profit d'une simple joute "pour/anti Chastain". C'est un jeu très dangereux auquel notre Président se prête, car c'est la fonction présidentielle même qu'il menace. Je comprendrais personnellement une fatigue de nos compatriotes quant au présidentialisme après cette triste parenthèse politique de notre Histoire.
ML : Oui mais allez-vous voter pour ?
LL : J'ai comme habitude de laisser mes bulletins secrets, ahah ! Mais, quiconque souhaite avoir la réponse la trouvera aisément au travers de mes anciennes prises de positions et de mon compte Chirper…
ML : Si le Président décide de nommer un autre gouvernement de technocrates et d'indépendants et vous appelle pour en faire partie, que réponderiez-vous ?
LL : Je ne pense pas qu'un tel Gouvernement ne soit la solution. L'âme d'Ostaria est politique, l'âme de notre politique c'est le débat et les idéologies, les idées. Sûrement pas uniquement les techniciens. J'ai d'hors-et-déjà dit non au Président Chastain, même si je le remercie évidemment pour son invitation.
ML : Allez-vous vous présenter à la prochaine élection présidentielle ?
LL : Je n'aimerais pas. Mais je ne vais pas dire non, car je ne peux pas savoir où nous mènera cette prise de parole et la plateforme "Dès Maintenant!"... Cela dépendra d'énormément de facteurs, et en premier lieu des ostariens.
ML : Qui selon vous est la plus qualifiée pour l'élection à venir ?
LL : La personne la plus qualifiée est celle que les ostariens porteront en campagne, dans les urnes et au Palais d'Yguerne.
ML : Pourtant, les ostariens avaient portés Julien Chastain. Pensez-vous toujours que les ostariens choisissent la personne la plus qualifiée ?
LL : Les ostariens avaient porté un Julien Chastain candidat de la gauche unie autour d'un programme commun. La démocratie a toujours le dernier mot, c'est mon adage.
ML : Pourtant Julien Chastain est toujours président. Comment expliquez-vous cela ?
LL : Il l'est car les ostariens l'ont élu. J'ai exprimé ma position sur la suite au début de l'interview, nous n'allons pas nous répéter, n'est-ce pas ?
ML : Vous êtes en train de dire que je fais mal mon travail ?
LL : Je n'oserais jamais dire cela d'un journaliste.
ML : Ben, ya pas intérêt.
Selon vous, de quoi Ostaria et les ostariens ont-ils besoin aujourd'hui, en priorité ?
LL : Ostaria a besoin de stabilité et, selon moi, de relations internationales solides avec des projets ambitieux à l'échelle régionale si ce n'est planétaire. Les ostariens ont quant à eux besoin de démocratie, de participer à la vie politique et surtout, si je peux rajouter ma petite touche personnelle, d'un véritable plan pour l'industrie et l'énergie. C'est une question de certitude, quand vous travaillez dans une usine : l'État est-il du côté de mon emploi ou est-ce qu'il me laissera tomber par inaction ou dogme idéologique ?
ML : Si vous étiez Président, qui nommeriez-vous Premier Ministre ? Qui est la politicienne ostarienne la plus digne, à l'heure actuelle ?
LL : Je ne suis pas Président, et je ne pense pas que je le serais un jour. Selon moi, Monsieur De Lyset, Monsieur Pendra ou Monsieur Duroux feraient l'affaire, ce sont des personnalités efficaces. Mesdames Bonneau ou LCS, avec un véritable engagement sur l'application d'un programme, pourraient aussi faire de très bonnes Femmes d'État. Je ne suis pas très original, vous en conviendrez. Il rit un peu.
ML : Il émit un rire sonore, qui résonna dans tout le studio.
Ahah ! J'en conviens oui ! Vous avez bien raison !
Quel est votre avis sur l'annonce de notre Président de la République concernant son souhait de faire dérailler notre République ?
LL : Ce sont des propos irresponsables à la vue de sa fonction. Monsieur Chastain, comme je l'ai déjà dis, joue à un jeu dangereux auquel il risque de perdre, en emmenant toute sa famille politique avec lui.
ML : En parlant de famille politique, nous apprenons à l'instant que l'ensemble des socialistes et indépendants à l'Assemblée Nationale ont rejoint la motion de censure déposée contre le gouvernement Endros. Le divorce semble consommé au sein même de la gauche radicale qui avait élu Julien Chastain. Pensez-vous que cela signifie que la gauche est morte ?
LL : Il est encore trop tôt pour le dire si vous voulez mon avis. La gauche peut cependant, et j'irais même dire "doit" pouvoir vivre hors de Chastain, un second Plassel "de gauche" ne serait pas populaire auprès du peuple progressiste ostarien, je pense. Cependant, "la gauche" risque de perdre de son sens auprès de nos concitoyens, oui.
ML : Que pensez-vous que Jérôme Plassel dirait s'il voyait son pays dans cet état ?
LL : Je n'oserais jamais parler au nom de Monsieur le Président Plassel.
ML : Diriez-vous qu'aujourd'hui, nous vivons plus sous une dictature que sous la monarchie, que vous avez connu enfant ?
LL : Non. Ce serait scandaleux de dire cela. Nous jouissons encore de libertés individuelles élargies et ma présence sur ce plateau en est la preuve, ne tombons pas dans une radicalité anti-Chastain absurde non plus…
ML : Et quel était votre rêve, lorsque vous étiez enfant ?
LL : Oh vous savez j'en ai eu beaucoup... Mais j'ai longtemps voulu être pompier. Par ailleurs, le manque de vision de la part de nos élites politiciennes quant au service public des combattants du feu me désole, surtout quand on voit que ces dernières décennies de nouveaux incendies... Industriels, forestiers... ont émergés, sans refonte des missions de ces agents.
ML : Aimiez-vous le Roi quand vous étiez petit ?
LL : J'ai été élevé et éduqué pour être un sujet, comme il était commode à l'époque. Ça m'a appris la discipline et la rigueur. La monarchie a été une part importante de ma vie, de ma naissance à mes 27 ans. Ce qui compte, c'est que j'aurais été aussi loyal à la monarchie, si elle avait continuée, qu'à la République : je suis ostarien avant tout. Et un Royaume d'Ostaria aurait quand même eu besoin d'un pilote pour les politiques industrielles et énergétiques.
ML : Vous êtes donc un peu royaliste dans l'âme ? Pensez-vous que la nomination de Charles Endros, monarchiste de longue date, à la tête du gouvernement, signifie que les ostariens demeurent attachés au Royaume ?
LL : Je ne suis pas un idéologue, donc non, je ne suis pas "monarchiste". Je ne suis pas républicain non plus. Concernant Monsieur Endros, je l'ai déjà dit sa nomination était un spectacle du Président Chastain. Rien de plus. Les ostariens ont chacun leurs idéaux, et au travers de nos élections libres elles s'expriment : si Ostaria doit redevenir une monarchie, soit, si cette idée est propulsée au pouvoir ! Dans le cas contraire, vive la République !
ML : Pour conclure Monsieur Libre, s'il y a quelqu'un parmi nos téléspectateurs qui nous regarde à qui vous souhaiteriez dire quelque chose, que lui diriez-vous ?
LL : Et bien, je lui dirai qu’il est temps de prendre le pouvoir pour les ostariens. Un nouveau souffle doit s’abattre sur notre pays, irriguer nos institutions d’idées nouvelles et de propositions concrètes. Peu importe nos idées, nos clivages, l’important c’est de mettre en commun nos potentiels pour créer quelque chose de nouveau. C’est par la révolution citoyenne, bien loin de celle des tribuns, radicaux et violents, la révolution des urnes, que changera notre pays pour le bien commun et la liberté individuelle. Dès maintenant !
ML : Je vous remercie, Monsieur Libre.